Fin de la loi Pinel : les remplaçants

La politique du logement évolue toujours au rythme des mutations économiques et sociales.
La loi Pinel, qui a marqué une décennie d’investissement locatif et défiscalisation en France, arrive à son terme.
Ce n’est pas la fin d’une stratégie fiscale, mais la fin d’une époque.

Quand un dispositif s’éteint, ce n’est pas seulement une mesure budgétaire qui s’efface, c’est une vision de la propriété, de l’investissement et de la solidarité territoriale qui se redéfinit.
Alors que les taux d’intérêt remontent et que la demande locative reste forte, la question se pose : que va remplacer la loi Pinel ?
Et surtout, comment penser la défiscalisation immobilière autrement : avec cohérence, responsabilité et durabilité ?

La loi Pinel : un bilan stratégique

Créée en 2014, la loi Pinel avait un double objectif : soutenir la construction de logements neufs dans les zones tendues et offrir aux particuliers un levier de réduction d’impôt proportionnel à leur durée d’engagement locatif (6, 9 ou 12 ans).

Pendant près de dix ans, elle a mobilisé l’épargne privée pour répondre à un besoin collectif : loger des ménages à revenus intermédiaires dans les grandes agglomérations.
Son succès fut réel : près de 600 000 logements construits, un marché du neuf soutenu, et des investisseurs rassurés par la simplicité du mécanisme.

Mais avec le temps, les critiques se sont accumulées :

  • inflation du prix du neuf dans certaines villes,
  • manque d’adéquation entre offre et demande réelle,
  • coûts budgétaires élevés pour l’État,
  • et enfin, exigences environnementales plus fortes que le dispositif ne couvrait plus pleinement.

L’année 2024 signe donc la fin officielle de la loi Pinel, dont les taux de réduction ont déjà été progressivement abaissés avant extinction complète fin 2024.

Le Pinel Plus : le dernier chapitre

Avant de disparaître, la loi Pinel a connu une dernière évolution : le Pinel Plus, applicable depuis 2023.
Ce dispositif transitoire a recentré l’avantage fiscal sur les logements vertueux :

  • respectant la norme environnementale RE 2020,
  • situés dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville,
  • et offrant un niveau de confort supérieur : double orientation, espaces extérieurs, luminosité, surfaces minimales renforcées.

Les taux de réduction d’impôt du Pinel Plus sont restés attractifs :

  • 12 % pour 6 ans,
  • 18 % pour 9 ans,
  • 21 % pour 12 ans.

Mais cette version du dispositif n’aura été qu’une étape de transition, un moyen d’accompagner la filière du neuf vers des standards plus exigeants.

Après le Pinel : un paysage fiscal en recomposition

La fin du Pinel ne laisse pas un vide, mais ouvre une nouvelle architecture de la défiscalisation immobilière.
Trois orientations structurent cette recomposition :

  1. la rénovation de l’ancien,
  2. la production de logements accessibles,
  3. et la responsabilité énergétique.

1. Le Denormandie : la réhabilitation plutôt que la construction

Le dispositif Denormandie incarne l’une des évolutions les plus cohérentes.
Là où le Pinel soutenait la construction neuve, le Denormandie encourage la rénovation de logements anciens dans les centres-villes dégradés.

Les conditions :

  • travaux représentant au moins 25 % du coût total de l’opération,
  • amélioration énergétique d’au moins 20 % à 30 %,
  • bien situé dans une commune éligible “Action Cœur de Ville” ou signataire d’une convention de revitalisation.

La réduction d’impôt reprend les mêmes taux que le Pinel (jusqu’à 21 %).
Mais le sens est différent : il ne s’agit plus d’ajouter du bâti, mais de redonner vie à l’existant.
Dans une France qui compte 3 millions de logements vacants, le Denormandie s’inscrit dans une logique de durabilité et d’équilibre territorial.

2. Le statut du bailleur privé

C’est un nouveau statut du bailleur privé qui offre une nouvelle loi defiscalisation au particulier.

3. Le Loc’Avantages : louer moins cher pour plus de sens

Le dispositif Loc’Avantages, anciennement “Cosse”, s’adresse aux propriétaires souhaitant louer leur logement à un loyer inférieur au marché.
En contrepartie, ils bénéficient d’une réduction d’impôt sur leurs revenus fonciers, allant jusqu’à 65 % selon le niveau de loyer pratiqué et le recours à un intermédiaire social agréé.

C’est un dispositif socialement utile, qui privilégie la rentabilité raisonnée à la spéculation.
Il répond à un enjeu fondamental : rendre le logement accessible, sans mobiliser de nouvelles surfaces constructibles.

4. Le Bail Réel Solidaire (BRS) : la propriété repensée

Parmi les remplaçants de la logique Pinel, le Bail Réel Solidaire (BRS) est une innovation institutionnelle.
Il sépare la propriété du sol et celle du bâti :

  • l’acquéreur achète uniquement le logement,
  • le foncier reste la propriété d’un Organisme de Foncier Solidaire (OFS).

Résultat : le prix d’achat est réduit de 20 % à 40 %, tout en garantissant la revente encadrée et la pérennité de l’accession sociale.

Si le BRS ne procure pas une réduction d’impôt directe, il constitue une défiscalisation implicite : baisse du coût initial, stabilité de la valeur, et exclusion du foncier spéculatif.
C’est une réponse structurelle aux dérives que la loi Pinel n’avait pas su corriger.

La nouvelle génération de dispositifs financiers

L’après-Pinel s’inscrit aussi dans une logique de diversification patrimoniale.
Les investisseurs, privés du repère qu’était le Pinel, se tournent vers d’autres formes de placement fiscalement attractives.

Le déficit foncier : la défiscalisation naturelle

Le déficit foncier reste l’un des outils les plus puissants pour ceux qui investissent dans l’ancien.
Il permet de déduire les travaux d’entretien, de rénovation ou de réparation de ses revenus fonciers, jusqu’à 10 700 € par an (et au-delà pour les gros patrimoines).
C’est une défiscalisation discrète mais efficace : pas de plafonds de loyers, pas de zones, mais une gestion rigoureuse.

Le Plan d’Épargne Retraite (PER) : fiscalité différée, stabilité assurée

Autre alternative indirecte au Pinel : le PER.
Il ne concerne pas l’immobilier, mais il répond à la même logique : préparer l’avenir tout en réduisant l’impôt.
Les versements sont déductibles du revenu imposable, dans la limite de 10 % des revenus professionnels.
C’est un outil d’équilibre entre court terme fiscal et long terme patrimonial.

Les FIP et FCPI : investir dans les territoires et l’innovation

Pour les profils plus dynamiques, les Fonds d’Investissement de Proximité (FIP) et Fonds Communs de Placement dans l’Innovation (FCPI) offrent une réduction d’impôt de 18 % à 25 % du montant investi.
L’objectif : financer les PME françaises, l’économie locale ou les start-up.
C’est une manière de continuer à défiscaliser tout en soutenant la création de valeur réelle.

Vers une défiscalisation plus responsable

La fin du Pinel signe la fin d’une logique purement quantitative : celle de “construire pour défiscaliser”.
Les nouveaux dispositifs privilégient une approche qualitative :

  • réhabiliter plutôt que construire,
  • loger mieux plutôt que plus,
  • et intégrer les enjeux climatiques au cœur des politiques fiscales.

Cette évolution reflète une maturité collective.
La défiscalisation de demain ne sera pas seulement un avantage comptable, mais un engagement citoyen.
L’investisseur devient un acteur de l’équilibre social et environnemental, au même titre qu’un entrepreneur responsable l’est dans son entreprise.

Vision : l’investisseur de demain

Il y a dix ans, la loi Pinel symbolisait l’ère de la défiscalisation de masse.
Demain, ses remplaçants – Denormandie, Loc’Avantages, BRS – inaugureront celle de la défiscalisation de sens.

L’investisseur de demain cherchera moins à réduire son impôt qu’à aligner son patrimoine sur ses valeurs.
Il privilégiera la qualité de l’actif, la solidité du territoire, et la cohérence de l’impact environnemental.
Il ne cherchera pas le “bon plan fiscal”, mais le bon projet humain.

En réalité, la fin du Pinel n’est pas une perte d’opportunité.
C’est une chance de redéfinir la notion même d’investissement locatif : plus local, plus durable, plus intelligent.

« Le patrimoine n’est pas ce que l’on possède. C’est ce que l’on construit pour durer. »

Les autres dispositifs de défiscalisation